Une belle sortie des Amis à Sixt-Fer-à-Cheval

par 15/09/2019

Ce 15 juillet, les Amis de la Réserve du Bout du Lac ont été conviés par ASTERS à venir découvrir une autre des neuf réserves de Haute-Savoie, celle de Sixt, en compagnie de son animateur Frank Miramand. 14 Amis ou amis d’Amis ont répondu à l’appel, et nous quittons Doussard à 8h30 sous un ciel un peu menaçant, dans une atmosphère nettement rafraîchie après la canicule.

Frank nous attend à la maison de la Réserve de Sixt. Autour d’un café, il nous présente sa Réserve. D’habitude, il dit que c’est la plus belle de Haute-Savoie… mais avec nous, il n’ose pas trop ! Ce qui est sûr, c’est que c’est beaucoup plus grand qu’au bout du lac : 9 200 hectares ! Créée en 1977 dans le massif calcaire du Haut-Giffre, son altitude est comprise entre 950 et 3 099 m, et il existe donc une très grande variété de milieux naturels. On y trouve notamment le Désert de Platé, le plus grand lapiaz d’altitude d’Europe.

Ces milieux variés sont synonymes d’une grande diversité en matière de faune et de flore, avec notamment plus de 800 espèces végétales, dont des orchidées et lis martagon. Et bien sûr, de nombreux animaux, dont chamois, marmottes, aigles royaux et bouquetins. La réserve est également très fréquentée par l’humain !

Espèce emblématique du lieu, le gypaète barbu, de son nom scientifique « Gypaetus barbatus ». C’est le plus grand rapace d’Europe, avec une envergure moyenne de 2,80 m. Autrefois, on l’appelait « le monstre ». Il faisait peur, avec son œil cerclé de rouge, ses sourcils noirs et sa couleur orange, dont on disait qu’elle provenait du sang de ses victimes. Frank nous montre une vieille gravure indiquant que l’homme n’est pas à l’abri de sa voracité. Il s’avère qu’il est en fait inoffensif et ne mange que des os d’animaux morts. Il doit la coloration de son plumage aux bains de boue ferrugineuse, qu’il apprécie tout particulièrement.

Très rare, il a été réintroduit dans les Alpes, où il avait disparu. Les premiers lâchers ont eu lieu en Autriche en 1986. À l’heure actuelle, 10 individus sont relâchés chaque année. Désormais, il en naît plus dans la nature, ce qui est très encourageant. Il existe aujourd’hui 50 couples entre la Slovénie et l’Italie.

ASTERS possède un centre d’élevage et réintroduit des individus, qui recherchent un territoire avec des reliefs pour profiter des vents ascendants, et riche en bouquetins et chamois, puisqu’ils se nourrissent de leurs os. En 2009, un premier petit est né dans la nature et a été naturellement prénommé « Sixt ». Le couple formé par son père « Haute-Savoie Mont Blanc » et sa mère « Veronika », relâchée en Suisse en 1999, a eu sept jeunes. Après trois échecs consécutifs d’un nouveau couple formé avec une autre femelle, un petit a récemment pris son envol cette année.

Nous reprenons les voitures pour rejoindre trois jeunes bénévoles d’ASTERS sur le terrain. Ils ont braqué des télescopes sur le nid, que le jeune a récemment quitté. Tels des paparazzis, nous observons la falaise pour voir les gypaètes de plus près. Nous arrivons tous à distinguer les parents au plumage en partie orangé et le nid blanc de fientes. Pour le jeune, qui est noir, c’est un peu plus difficile. Ceux qui maîtrisent bien le maniement de leurs jumelles arrivent à le suivre en vol. Le jeune, une fois qu’il a quitté le nid, n’y retourne plus. Celui-ci n’est d’ailleurs plus très propre ! Les parents y feront le ménage en août.

La parade amoureuse a lieu en novembre, et la ponte entre décembre et février. Il y a deux œufs, mais un seul survit. Le père et la mère couvent tous les deux en alternance, en se relayant toutes les trois ou quatre heures. 54 jours s’écoulent jusqu’à l’éclosion en mars ou avril. Le petit fait 150 g à la naissance, et connaît un pic de croissance quand les carcasses sont abondantes et que ses parents le nourrissent avec des lambeaux de chair. Il prend son envol à 110 ou 115 jours. Le jeune est autonome en octobre ou novembre. Il fait 5 à 6 kg à l’âge adulte (7 ans) et vit 30 à 40 ans. Toutefois, Frank nous explique qu’un jeune a peu de chances de survivre. Il est très erratique et ne maîtrise pas ses déplacements. Il est en outre confronté à de multiples dangers : collisions avec les câbles, empoisonnement lié à une pollution croissante, etc.

Nous voilà bien informés sur le gypaète ! Frank est intarissable à son sujet, mais les Amis ont faim et n’ont plus de questions… Quoi que, certains en ont toujours… Nous reprenons les voitures pour rejoindre la cascade du Rouget, non loin de là. Nous trouvons un endroit idéal pour pique-niquer, avec des places à l’ombre et au soleil, et une vue imprenable sur cette magnifique cascade. Le débit est encore assez important et nous apprécions la fraîcheur. Nous passons un moment très agréable. Frank nous propose ensuite de redescendre et de rejoindre le site du Fer-à-Cheval.

Café, thé, tisane, nous voici donc attablés dehors au bar. Face à nous, ce vaste cirque entouré de hautes parois rocheuses, d’où dévalent plusieurs cascades impressionnantes. Frank nous explique que l’endroit fait partie des « Grands sites ». Il s’agit de milieux naturels très fréquentés, à préserver pour éviter leur dégradation, et où il faut améliorer l’accueil. On compte ici 300 000 visiteurs par an ! Jusqu’en 2003, il n’y avait pas de véritable parking, les gens se garaient au milieu et le temps moyen passé sur place était de deux minutes seulement !

Vous prendrez bien un peu de géologie ? Nous sommes dans un massif calcaire qui ne retient pas l’eau. Il s’agit d’un site glaciaire, sur des sédiments marins. Frank ramasse trois cailloux pour nous expliquer que les Alpes sont liées à la formation de l’océan Atlantique. On le croit sur parole. La surrection des Alpes remonte à 50 millions d’années. Phénomène de virgation, diagénèse, pression des roches qui se plissent telles des tapis… Et au final, les Alpes ont une forme de croissant grâce au mouvement de l’Italie. L’eau présente partout a érodé les roches friables, ce qui a formé les parois du fer à cheval, puis les glaciations ont fait le reste. Bon, c’est un résumé… Bien que présentée de manière très vivante par notre guide, un expert du sujet, la géologie reste pour moi un domaine bien mystérieux !

Nous suivons ensuite Frank sur l’un des chemins, où il nous montre une flaque de boue ferrugineuse. Le secteur est très riche en minerai de fer, autrefois exploité. On ne sait pas pourquoi le gypaète recherche la coloration. Les plus colorés semblent être les plus dominants, et une fois n’est pas coutume, il s’agit souvent chez les gypaètes de la femelle, qui est la plus grande au sein du couple.

Nous retrouvons plus loin sur le chemin les trois jeunes bénévoles, qui ont pointé leurs instruments sur les parois rocheuses. À gauche, le bouquetin, à droite le chamois, mais assez loin et pas faciles à repérer ! Le soleil est maintenant fort et la luminosité ne facilite pas les observations. Mais les jeunes volontaires sont incollables sur les deux espèces et j’en profite pour enfin bien les différencier, grâce aux photos à disposition du public. Bien sûr, il y a les cornes bien caractéristiques des bouquetins, mais le signe qui distingue le chamois, c’est sa tête blanche avec des bandes noires. Très rapide, il est capable de faire 1000 m de dénivelé en 10 minutes ! Le bouquetin quant à lui est très agile en parois, on peut d’ailleurs en voir à des endroits quasiment verticaux. Il est intéressant de noter que ce sont à l’origine des espèces de plaine, qui se sont réfugiées en montagne.

Nous poursuivons la balade en direction du « Bout du monde ». J’irai bien jusqu’au bout, mais le temps a passé vite et ce sera pour une prochaine fois. Deux bancs nous attendent pour notre goûter, c’est l’heure de me délester de mon cake au chocolat, très apprécié des Amis. Sur la boucle de retour, Frank nous parle des vipères, des gélinottes, du tétras-lyre, des lagopèdes… Il faudrait plus d’une journée pour qu’il nous raconte tout !

En résumé, c’était loin, mais c’était bien, et même super bien ! Merci à notre président Michel pour l’organisation de cet événement amical, et un très grand merci à Frank pour cette excellente journée entre Amis. Nous avons beaucoup apprécié ta disponibilité, tes connaissances et ta passion. Et c’est vrai qu’elle est belle, ta Réserve. Nous t’attendons au Bout du Lac.

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